12 C
Paris
dimanche 24 novembre 2024
spot_img

Au cœur du festival des Oasis 2019

À l’intérieur du parc du château de Jambville, se sont retrouvées toutes les oasis de l’Hexagone. Reportage sur ce grand rassemblement des écolieux et des nouveaux modes de vie, pour le festival des Oasis 2019.

Avec des ateliers de qi gong et des jeux coopératifs, une grande tente pour être ensemble lors des conférences plénières, une petite ferme « pour fabriquer ses projets » et des rencontres au Château de Jambville « pour s’inspirer », tout était fait pour se ressourcer dans un environnement bienveillant. Au cœur des collines du Vexin, le festival des Oasis accueillait du 5 au 6 octobre  2019 tous les pionniers des écolieux, malgré la pluie ! Qu’il s’agisse de permaculture, de conception de l’habitat, de développer un revenu de base ou une monnaie citoyenne, chaque participant pouvait trouver des conseils pour bien vivre sa transition.

Plus de 80 oasis représentées / ©Clément Osé - Colibris et Coopérative Oasis

Plus de 80 oasis représentées au festival des Oasis 2019 / ©Clément Osé – Colibris et Coopérative Oasis

Mais au fait, qu’est-ce qu’une oasis ?

« Une oasis, c’est un espace autonome, convivial, et collectif. Certaines sont justes des lieux d’animations, des jardins partagés, des fermes collectives. Ce sont les oasis ressources. D’autres sont des lieux de vie adossés parfois à des activités, où habitent plusieurs foyers », précise Gabrielle Paoli, qui anime ce réseau d’écolieux au sein de Colibris. Ce qu’elles ont en commun ? « L’autonomie alimentaire et énergétique, la mutualisation du temps, des énergies et des outils, une gouvernance respectueuse, l’ouverture sur l’extérieur pour essaimer et donner envie à d’autres de faire la même chose ! ».

Gabrielle, animatrice du réseau des oasis, et Florian, responsable des outils libres au sein de l'équipe de Colibris / ©Clément Osé - Colibris et Coopérative Oasis

Gabrielle, animatrice du réseau des oasis, et Florian, responsable des outils libres au sein de l’équipe de Colibris / ©Clément Osé – Colibris et Coopérative Oasis

Les Oasis sont aujourd’hui plus de 900 dans l’Hexagone, en ville, à la campagne, en milieu périurbain. Certaines sont des hameaux de 30 familles dans lesquels chacun à sa maison, ou de grandes bâtisses rénovées, comme la Ferme légère qui abrite 15 personnes en milieu isolé. « Ce festival des Oasis 2019, confie Gabrielle, on l’a créé parce que les gens se sentaient seuls sur leur territoire. Ils avaient besoin de se rencontrer, de se connaitre, de créer du lien pour partager expériences et savoir-faire. On les aide à se lancer et se connecter avec des lieux déjà aboutis ».

Des activites en simultané dans six espaces differents du château de Jambville / ©Clément Osé - Colibris et Coopérative Oasis

Des activités en simultané dans six espaces différents du château de Jambville / ©Clément Osé – Colibris et Coopérative Oasis

Des laboratoires d’énergie partagées

Il y a une vraie diversité, des moines, des militants anarchistes, des retraités qui veulent vieillir ensemble, des mères célibataires, des urbains, des ruraux. « Avant, c’était des vieux de la vieille. Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes très militants. Le déclic, c’est la recherche d’une qualité de vie. Les gens en ont assez de travailler et de ne pas voir leurs enfants », fait remarquer Gabrielle.

Certains recherchent la bienveillance, une famille, une tribu. D’autres préfèrent se mettre au service de ceux qui en ont besoin, en créant des emplois dans un territoire défavorisé et en accueillant des personnes en situation de précarité, comme la Ressourcerie du Pont près du Vigan (Gard). Dans les maisons Ecoé, les habitants ont choisi de vieillir dignement dans un espace intergénérationnel permettant le maintien à domicile jusqu’à la fin de vie. Dans le village de Pourgues (Ariège), il s’agit d’éduquer les enfants autour de projets tournés vers le bien commun.

Il est proposé aux adultes comme à la quinzaine d'enfants présents / ©Clément Osé - Colibris et Coopérative Oasis

Il est proposé des ateliers aux adultes comme à la quinzaine d’enfants présents / ©Clément Osé – Colibris et Coopérative Oasis

Les exemples sont multiples. Chaque collectif a sa raison d’être. Ce sont des laboratoires d’énergies partagées. Mais à l’échelle de l’habitat, on touche aussi à ce qu’il y a de plus intime et de plus important, les économies, la famille, la gestion du temps et parfois, c’est loin d’être simple. « La seule règle, c’est de se faire accompagner et d’avoir un regard extérieur pour avancer. Si la raison d’être du collectif est claire et si on prend soin des relations, tout le reste suit… », analyse Gabrielle.

À chacun sa popote !

Nicolas Pinus est venu en curieux pour découvrir d’autres projets, transmettre et trouver les bonnes personnes. Dans le parc national des Cévennes, avec une vingtaine d’adultes et une demi-douzaine d’enfants, il vit dans 3500 mètres carrés de bâtiments, quatre hectares de terrain. Une grande colonie de vacances, perdue dans la montagne, dans un ancien sanatorium, qui s’appelle Aérium. « J’habite sur place. Tous les autres ont emploi à mi-temps à côté, ou du télétravail. À chacun sa popote pour ramener des sous ! Je suis venu suivre les ateliers « comment ne pas s’épuiser dans la durée » et « échange entre lieux déjà aboutis ». Le reste on est béton ! », lance Nicolas. Ce qui l’enrichit le plus, c’est d’entendre les témoignages de ceux qui ont trente ans de communauté derrière eux : « cela m’aide à relativiser, à me dire qu’on est tous dans le même bateau ».

Clément Leguidcoq, lui, vient d’acheter un lieu à Saint-Omer-de-Blain au nord de Nantes, un presbytère qui a 200 ans avec trois habitations et un théâtre, pour créer une oasis ! Il est venu rechercher des informations sur la gouvernance, mais aussi pour rencontrer et trouver de futurs habitants. « 5 familles, ce serait chouette, avec des enfants qui courent partout, un lieu culturel, un jardin partagé, de la permaculture, la collecte des eaux de pluies et une phytoépuration », rêve-t-il.

Beaucoup ont apporté leur instrument de musique

Beaucoup ont apporté leur instrument de musique / ©Clément Osé – Colibris et Coopérative Oasis

Et si une société écologique et solidaire était en train de s’inventer sous nos yeux ? Et si ces expérimentations pouvaient revivifier des territoires en friche, mais aussi essaimer ailleurs et inspirer les zones urbaines et périurbaines ? C’est en tout cas ce que pense Nicolas Voisin, après avoir vécu dans ces « archipels de personnes essayant de se libérer de la folie de ce monde ». Cet activiste veut en effet favoriser l’essor de communes imaginées, sur le modèle de celle du Bandiat entre Dordogne et Limousin. Ou de Païolive dans l’Ardèche. Des lieux de partage de valeurs écologiques et politiques, où l’on peut débarquer sans loyer ou à prix libre, avec des chantiers que l’on peut rejoindre pour redonner un sens à sa vie.

Ce projet d’émancipation du capitalisme, de cheminement vers l’écologie, de déconstruction individuelle, s’inspire des ZAD, du Chiapas, de la Commune. « Nous aimerions initier une cinquantaine de communes imaginées. Pour cela, on se nourrit des expériences menées et on accompagne la création de coopératives locales en SCIC, mais aussi de boulangeries, de brasseries, de conserveries, si essentielles pour transformer et donner un débouché au maraîchage biologique », précise Nicolas.

Mathieu Labonne, president de la Cooperative Oasis et à la tête du projet oasis en plénière d'ouverture / ©Clément Osé - Colibris et Coopérative Oasis

Mathieu Labonne, président de la Coopérative Oasis et à la tête du projet oasis en plénière d’ouverture du festival des Oasis / ©Clément Osé – Colibris et Coopérative Oasis

Accompagner les migrations

Au sein de la suite du Monde, cofondée avec Pablo Servigne, ils ont mis en place une coopérative sur le modèle d’Enercoop, pour collecter l’épargne citoyenne et financer les installations à travers des parts sociales rémunéré à 2,5% par an, de la souscription militante et le financement de filières de production par abonnement. « L’enjeu, affirme Nicolas Voisin, c’est comment on finance dans un cadre légal l’acquisition de terrains à grande échelle, comment on accompagne les migrations vers ces lieux plus résilients pour pouvoir accueillir davantage de monde, sans que cela soit uniquement réservé à ceux qui sont détenteurs de capital. »

Le but est de faire monde avant le basculement vers une grande crise économique et écologique, et de créer des lieux de résistance et de résilience dans tous les lieux dépeuplés et préservés de France. Bref de nourrir la société, dans tous les sens du terme, et d’accélérer la transition écologique et humaniste. « Nous sommes en train d’inventer des communes imaginées sur des îles et les berges de l’Oise, de la Marne, de la Seine, confie Nicolas Voisin. Des territoires périrubains, qui peuvent être ramenés vers les communs ». L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui cofinance le festival, ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Elle s’intéresse aux oasis pour rendre compte des bénéfices de ces nouveaux modes de vie.

Ludovic des Choux Lents et Maité, compagnons oasis / ©Clément Osé - Colibris et Coopérative Oasis

Ludovic des Choux Lents et Maité, compagnons oasis / ©Clément Osé – Colibris et Coopérative Oasis

Texte par Sébastien Daycard-Heid

Photos par Clément Osé


Lire aussi : 

Pierre Rabhi : « Les oasis sont une anticipation de l’évolution du système social »

L’oasis de Pen an Hoat : un jardin pour apprendre à changer

À Prague, des SDF vous font visiter la ville

Articles connexes

Nous suivre

180,000FansJ'aime
19,700SuiveursSuivre
18,200AbonnésS'abonner
- Publicité -spot_img

Articles récents