Depuis 2013, l’association La Bidouillerie propose aux enfants, de 6 à 17 ans, des colonies de vacances écoresponsables sur fond de démocratie participative. Ici, chaque enfant vote pour chaque activité et est sensibilisé à l’écologie et à la vie en communauté.
Dans un parc arboré et clôturé de deux hectares, dix-huit enfants, âgés de 6 à 9 ans, ont posé leurs tentes. Pendant six jours, au centre Le Hedraou de Perros-Guirec en Bretagne, ils découvrent les joies du camping. La particularité de cette colonie de vacances ? Il n’y a pas de planning à l’avance. Avec les animateurs, les enfants décident du programme selon leurs envies. « A la Bidouillerie, on prend le temps d’être en vacances, il n’y a pas d’activités imposées », explique Julia, coprésidente de l’association. « On organise des forums quotidiens pour décider tous ensemble des activités du lendemain. »
Pour y arriver, enfants comme adultes ont à disposition un « fil des envies de faire », soit un fil où chacun, muni d’un bout de papier et d’une épingle, peut venir accrocher ses idées d’activités pour le séjour. « On rassemble toutes les propositions le soir et on établit ensemble un programme », détaille Julia. Les enfants sont acteurs de leurs vacances et développent ainsi leur autonomie. »
Si certains n’ont pas d’envie particulière, ce n’est pas un problème. A la Bidouillerie, le « droit de ne rien faire » est l’un des principes affirmés par l’association pour permettre à chaque enfant de suivre son rythme. « J’aime beaucoup les temps calmes où on peut se reposer, lire ou jouer entre nous », explique Mathis, 9 ans, qui a l’habitude de faire des séjours chez les scouts. « Ici, l’organisation est différente parce qu’on nous laisse choisir. Je me sens libre. »
Un bien-être accentué par un taux d’encadrement d’un adulte pour 4 enfants – comparé à un adulte pour 12 enfants âgés de plus de 6 ans dans la législation française – « De cette manière, on respecte davantage l’individualité de chacun et ça nous permet de connaître les petits rituels des enfants », détaille Anouck, animatrice sur ce séjour.
Privilégier le lien avec la nature
Des sites de Belle-île-Mer à la faune et flore du parc des Landes de Gascogne, tous les séjours proposés par la Bidouillerie se déroulent dans des espaces naturels et protégés. Cet après-midi, au centre Le Hedraou de Perros Guirec, les enfants, armés de sceaux et d’épuisettes, explorent la plage de Trestignel lors d’une partie de pêche à pied. « L’idée est de reconnaître les petits animaux de la mer, sans les abîmer, dans les flaques et de les relâcher. » explique Julia. Dans une logique de respect et de sensibilisation à l’environnement, les activités de consommation sont proscrites. « On part du principe que les sites naturels où l’on propose nos séjours sont des endroits remplis de possibilités et d’alternatives variées pour créer des activités ludiques », explique l’animatrice. L’envie de faire du bateau se transforme en construction de radeau par exemple et ça donne des moments de partage très chouettes.»
Quand certains choisissent la plage, d’autres se regroupent autour d’une table pour un atelier « fabrication de carnets », façonnés avec le matériel déjà sur place. « Pour cette activité, on a d’abord réuni tout ce qu’on avait sur le camp », explique Clélia, l’une des animatrices. On a, par exemple, récupéré de vieux scoubidous qu’on avait déjà pour lier nos pages. » C’est avec satisfaction que Léonie, 6 ans, à l’origine de cet atelier, brandit son carnet fait de ses propres mains. « Il est trop beau ! Je pourrais mettre tout ce que j’ai aimé et pas aimé pendant la colonie de vacances », se réjouit-t-elle.
Le bon goût su fait-maison
Quand arrive l’heure de manger, les décisions se prennent aussi en collectif. « On met en place des commissions menus pour établir les repas le matin, le midi et le soir », explique Angèle, animatrice économat responsable des courses. « Les enfants composent leur repas tout en étant sensibilisé aux choix des produits pour équilibrer un menu. Par exemple, on leur explique pourquoi c’est mieux de ne pas manger de la viande tous les jours en leur montrant que les pâtes bolognaises peuvent aussi se faire avec de la protéine de soja », détaille-t-elle. Avec des produits au maximum bio et locaux, la confection des menus se fait avec les enfants sur la base du volontariat. « Ils épluchent, sentent, goûtent…Le fait de participer permet d’éveiller leurs sens et ainsi de mieux apprécier ce qu’ils mangent », ajoute Angèle. Une démarche active qui se poursuit même après le repas puisque les enfants sont invités à nettoyer leurs assiettes et aller jeter leurs déchets organiques dans le compost mis à disposition non loin du camping.
Des vacances pour tous
Espaces naturels protégés, nombreux encadrants et repas bio et locaux… La Bidouillerie offre des vacances de qualité et… à prix réduits ! A moins de 45 euros la journée, les séjours proposés par l’association sont 20% à 30% moins chers que des vacances dans des centres classiques. « On a des séjours moins chers parce qu’on ne propose pas d’activités de consommation et certaines mairies baissent des tarifs de location de leurs espaces protégés », précise Thomas, co-fondateur de l’association. « Par exemple, la commune de Captieux, en Gironde, nous propose par exemple gratuitement un terrain pendant toute la durée du séjour », ajoute-t-il. Une manière de rendre accessibles les colonies de vacances au plus grand nombre. « On accueille aussi bien des enfants de classes moyennes ou aisés, que d’enfants isolés ou d’ instituts médico-éducatifs (IME). Cette mixité sociale crée une dynamique entre les enfants qui est très intéressante à voir et à vivre », note Thomas.
Céline, mère de Morgan, 16 ans, habitué de la Bidouillerie depuis le CM1, se souvient de la rencontre de son fils l’année dernière lors d’une colonie itinérante – une randonnée de 10 jours où les adolescents organisent leur séjour de A à Z. « Morgan était avec un jeune migrant avec qui il a échangé pendant tout le séjour itinérant », raconte-t-elle. « Il a été marqué par cette rencontre. Cette aventure lui a permis une ouverture d’esprit encore plus grande », ajoute-t-elle. Aujourd’hui Morgan souhaite passer son Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur (BAFA). « D’une manière générale, la Bidouillerie l’a vraiment accompagnée dans sa construction personnelle », explique Céline. « Il veut maintenant participer aux séjours de l’association en tant qu’aide-animateur mais souhaite aussi faire une demande dans une autre structure pour voir une autre manière de fonctionner et se former ainsi sans a priori. »
Aujourd’hui, la Bidouillerie compte près de 150 familles adhérentes et près d’une trentaine de militants qui défendent les mêmes valeurs que l’association. Sur un principe de collégialité, le bureau permanent de l’association se compose de sept co-présidents. « A l’inverse d’une association classique, on a fait le choix de ne pas avoir de président mais de se diviser les responsabilités », explique Thomas. « Toutes les décisions sont collectives. On se réunit, on discute et on vote », ajoute-t-il. En lançant la Bidouillerie en 2013, Thomas et les cinq autres fondateurs souhaitaient créer « le séjour de leurs rêves », avec « l’idée de voyage » dans une « démarche responsable irréprochable ». Pari réussi.
Par Maëlys Vésir
Quel type de séjours pour quelle tranche d’âge ?
6-9 ans : « Premier séjour en mer », au centre Le Hedraou, Perros Guirec dans un parc arboré et clôturé de 2 hectares, à 100 mètres de la mer (6 jours)
7-14 ans : Séjour « Evasion Sud Ouest », au parc naturel des Landes de Gascogne avec construction de cabanes (10 jours)
Séjour « Plages, mer et coquillages », à Belle-île-mer avec comme hébergement des tentes inuits en coton bio (10 à 14 jours)
Séjour « Penn An Armor », au centre Hedraou, Perros Guirec Guirec dans un parc arboré et clôturé de 2 hectares, à 100 mètres de la mer (10 jours)
14- 17 ans : Séjour « Aventure itinérante ado » à Belle-île-en-mer avec des randonnées exploratoires et l’organisation de A à Z du séjour par les adolescents (10 jours)