A seulement 18 ans, Manon a intégré pour la première fois un mouvement collectif de lutte pour le climat. Avec Youth For Climate Nantes, elle a contribué à l’organisation de la marche du 15 mars, où 10 500 manifestants étaient réunis dans la rue. Elle revient avec fierté sur ce qui l’a mené à cet engagement.
La genèse de sa conscience écologique, elle la raconte par les gestes quotidiens que son père lui a enseigné : ne pas gaspiller l’eau, le chauffage… Mais elle date plutôt le commencement de sa démarche personnelle au lycée où, en classe de seconde, elle est devenue végétarienne en 2015.
A l’approche de la COP 21, sa professeure avait demandé à sa classe de présenter des exposés sur l’environnement. « On était par groupe de trois et je suis tombée sur l’exploitation animale », se souvient-elle. Un hasard qui a provoqué une remise en question chez Manon. « J’ai commencé à faire des recherches et cela a continué à me tarauder. Un mois après mon exposé, j’ai annoncé à mon père que je voulais arrêter de manger de la viande ». S’il n’était pas contre, il craignait cependant qu’elle mette sa santé en péril. En cas de signes de fatigue croissante, elle devrait arrêter. Mais comme toujours, Manon était déterminée à aller au bout de son projet. « J’ai compris que c’était à moi de prendre cela en main. J’ai fait des recherches pour équilibrer un repas végétarien, avec des légumineuses, des apports en protéines, en fer, en calcium… Je me suis mise à plus cuisiner, à prendre part dans l’alimentation de la famille. » Ses efforts ont payés puisqu’elle a réussi à équilibrer ses repas et faire accepter son végétarisme à sa famille. Un combat qu’elle considère désormais acquis.
A sa voix réjouie quand elle parle des transitions qu’elle porte, on ne se douterait pas qu’elle fut un temps très défaitiste à l’annonce des nouvelles dans les médias : des informations dramatiques qu’elle voyait sans cesse à la télévision. Puis, un jour elle décide d’installer le moteur de recherche Lilo, « qui propose en page d’accueil des informations sur des initiatives en faveur de l’environnement », explique-t-elle. Les sources d’information vers lesquelles elle se dirige progressivement ont changé son état d’esprit. Cette représentation du monde détonnait : « Je me suis dit que s’il y avait d’autres gens comme moi, on pouvait alors changer les choses. Ma volonté de bien faire a remplacé le défaitisme. »
Un engagement collectif
Noué à son bras, un morceau de tissu vert, fleuri et marqué en noir des lettres « YFC ». Ce brassard qu’elle porte fièrement est celui de Youth For Climate, qu’elle a intégré cette année dans sa ville, à Nantes. Il s’agit de son premier engagement collectif pour l’environnement.
Timidement, elle raconte son sentiment de solitude à Polytech, où elle étudie en classe préparatoire pour devenir ingénieure. Là-bas, on la traitait comme une « marginale », « la personne bizarre, écolo ». Intégrer Youth For Climate a été une sorte de libération. En repensant à la première réunion à laquelle elle a assisté, elle retrouve immédiatement le sourire. « Cela m’a fait plaisir de voir que je n’étais pas seule et qu’il y avait plein de gens investis ». Grâce à cet intérêt commun et passionné pour l’avenir de la planète, elle se sent à l’aise dans le groupe. « C’est très facile de communiquer quand on parle de la même chose ! »
C’est au pôle communication du mouvement que Manon a travaillé. Il leur fallait informer tous les jeunes nantais au sujet de l’événement, par des référents dans les écoles, sur les réseaux sociaux, en contactant la presse locale, les grands médias…
L’horizontalité du mouvement la rassurait car elle y voyait un moyen de se relayer et de pouvoir prendre du temps pour soi. Cela n’est pourtant pas ce que Manon a fait… Elle estime qu’elle aurait dû moins s’investir, ce qui aurait probablement été trop frustrant pour elle, au vu de son caractère. « J’étais prise d’un tel enthousiasme et d’une volonté de bien faire ! Cela m’a beaucoup pris en espace mental car j’y tenais beaucoup ».
Convaincre et ne pas décevoir
Quand une cause lui tient à cœur, Manon s’y investit pleinement. « J’en parlais à tous mes amis, j’étais heureuse de ce moment et fière d’en faire partie », confie-t-elle. Fière, elle l’était aussi lorsqu’elle voyait les plus sceptiques se rallier à sa cause. Elle dialogue et argumente auprès de personnes qui viennent la voir pour comprendre son engagement. Tout cela lui donne espoir : « Une fois de plus, quelqu’un aura entendu le mot « écologie » et peut-être qu’au bout de la cinquième fois il se renseignera et en parlera autour de lui ».
Ce qui l’avait inquiétée en revanche lors de sa première manifestation le 15 mars dernier au même moment que le combat des gilets jaunes, c’était le risque de violence pendant la manifestation. « On avait une certaine pression venant des adultes », raconte-t-elle, « on savait que si on échouait, on perdrait une forme de confiance de leur part ». Elle avait conscience de leur responsabilité vis-à-vis des lycéens et des collégiens. Puis, elle se réjouira de leur réussite. « Désormais, si une nouvelle manifestation est organisée, les parents ne seront pas inquiets que leurs enfants y participent », se rassure-t-elle.
Ce qu’elle retient surtout de cette manifestation semble difficile à nommer : « Incroyable », « impressionnant ». Elle n’avait jamais connu une foule pareille et en garde des souvenirs vibrants. « Il y avait cette ambiance, un bruit que je n’avais jamais entendu ! » C’était pour elle une forte transmission d’énergie, qu’elle a ressenti et qui l’a contaminée.
Une marche… et après ?
Son engagement, Manon le tient d’un sentiment d’urgence, que son corps lui-même lui fait ressentir. « Je suis asthmatique. Quand je vais à la montagne je ne fais plus d’asthme, mais dès mon retour en ville cela revient. » Elle refuse de considérer ce problème comme lointain, « cela nous touche nous, maintenant, et cela touchera nos enfants », affirme-t-elle.
Après le 15 mars, il a fallu retourner à la « vie normale », rattraper les cours manqués. Avec Youth For Climate, Manon réfléchit à de nouveaux modes d’action. Une nouvelle grève aura lieu, mais elle souhaite aussi que le mouvement puisse organiser des opérations de sensibilisation auprès des jeunes, en intervenant dans les facs et les lycées.
Ce combat fait partie de Manon, désormais plus confiante : « J’ai du mal à me présenter sans parler de ma conscience écologique ». A l’approche de ses partiels, elle cherche comment « mieux gérer » son engagement associatif par rapport à sa vie étudiante. Cette activité permanente est un besoin chez elle ! Une énergie qu’elle n’a pas fini de mettre au service de l’environnement.
Par Laura Remoué
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