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jeudi 21 novembre 2024
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L’écologie, « ça commence par moi »avec Julien Vidal

Face à l’urgence climatique, Julien Vidal a décidé d’agir maintenant, à son échelle, en adoptant un nouvel écogeste simple et rapide, chaque jour pendant un an. Aujourd’hui, son bilan carbone annuel est inférieur à deux tonnes, alors qu’un Français moyen en émet dix. Portrait d’un citoyen modèle.

Julien Vidal mènerait presque la vie du parfait Monsieur Tout-le-monde. À 32 ans, ce métropolitain se déplace à vélo et vit dans un appartement de trente mètres carrés dans le centre de Paris. Il y a encore un an, il travaillait quarante-cinq heures par semaine comme coordinateur d’équipes et de projets pour une association, avant de devenir auteur et conférencier à son compte. Comment ce trentenaire urbain a-t-il alors réussi à produire cinq fois moins de CO2 que Monsieur Tout-le-monde ?

Un nouvel écogeste par jour

Non, il n’a pas inventé de machine révolutionnaire. Il n’a pas non plus renoncé à toute forme de modernité. En 2016, après avoir constaté les conséquences du réchauffement climatique sur différentes régions du monde, Julien se demande quelle est sa responsabilité personnelle dans la crise environnementale qui se joue, partout. Alors il scrute attentivement chacune de ses habitudes. Dans sa façon de se nourrir, de se déplacer, de s’habiller, de se divertir, il cherche des solutions plus saines pour lui, mais surtout pour la planète. Puis il intègre chaque jour pendant un an un nouvel écogeste dans son quotidien, sans connaissances particulières. De sa boîte mail jusqu’à l’eau de ses toilettes, Julien se réapproprie sa manière de vivre. En prime, il économise près de 300 euros par mois, soit 3 600 euros par an !

Ce sont 365 actions concrètes et faciles, dont la plupart nécessitent moins de dix minutes, que le Parisien a répertoriées, au fur et à mesure, sur son blog Ça commence par moi, pour ne pas abandonner ses bonnes résolutions en cours de route. Technologie, transport, alimentation, culture… Rien n’y échappe. Il troque son moteur de recherche classique contre un moteur solidaire comme Lilo ou Ecosia, remplace ses produits ménagers chimiques artificiels et industriels par du vinaigre blanc. Il échange les bouteilles en plastique contre une gourde et colle un Stop Pub sur sa boîte aux lettres.

Puis, en août 2017, alors que son année de défis s’achève, Julien réalise qu’il lui reste encore des centaines d’autres astuces à mettre en œuvre et à diffuser. Alors, il décide d’en publier une nouvelle chaque semaine sur son blog, comme il le fait encore aujourd’hui.

« Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde »

Dans le même temps, il quitte son travail au sein de l’association Unis-Cité, avec laquelle il coordonne une équipe de jeunes pour faciliter l’accès des migrants à la culture. Son boulot le passionne, mais Julien veut donner au projet Ça commence par moi une autre dimension. Il crée une association éponyme, intervient dans des écoles, auprès d’enfants, dans des associations, des entreprises, pour parler de sa transition. Il donne des conférences dans toute la France, anime des ateliers citoyens, une émission hebdomadaire sur la radio Raje, pour porter toujours le même message : soyons le changement que nous voulons voir dans le monde. Maintenant.

Le déclic – du moins le premier –, Julien l’a eu quelques années plus tôt, en 2011. Alors peu conscient des conséquences de son mode de déplacement sur la planète, il roule vers Strasbourg, pour y entamer un roadtrip avec ses amis. Soudain, c’est l’électrochoc. « Nous sommes le 11 août, et nous avons consommé tout ce que la planète peut produire de manière pérenne en un an. À partir d’aujourd’hui, nous vivons à crédit », annonce la radio. Alors vingtenaire, Julien prend conscience de l’ampleur de la crise écologique.

La même année, pour une mission de volontariat de solidarité internationale, il s’installe en Colombie, où il découvre la misère sociale semée par l’économie libérale. « J’ai vu Christina fabriquer des survêtements pour moins de cinq euros par jour, alors que, chez nous, ils étaient revendus cinquante euros pièce », se souvient Julien.

« Il restait beaucoup de choses à faire en France »

Deux ans plus tard, il débarque aux Philippines, peu de temps après le passage d’Haiyan, l’un des supertyphons les plus puissants jamais mesurés, causant des milliers de morts. Températures caniculaires, inondations, catastrophes naturelles… Julien comprend que les phénomènes qui s’abattent sur les continents sud-américain et sud-asiatique sont en partie causés par la pollution et la consommation des Occidentaux.

Parallèlement, il perçoit, de loin, la façon dont est traitée sur l’Hexagone la crise des migrants, l’affirmation des extrêmes avant l’élection présidentielle, les chiffres de plus en plus alarmants sur l’augmentation du nombre de personnes sous le seuil de pauvreté, les logements insalubres… « Je partais à l’autre bout de la planète pour essayer de faire ma part, alors que je commençais clairement à comprendre qu’il restait beaucoup de choses à faire en France. » Si les êtres humains sont responsables de ces dérèglements, Julien croit qu’il leur appartient aussi de réparer leurs erreurs.

Il s’interroge : « Est-ce que je rentre dans le quotidien métro-boulot-dodo et je me contente de ça ? Ou est-ce que, finalement, je n’aurais pas le pouvoir d’essayer de construire tous les jours un monde qui m’intéresse, où je suis heureux, où je favorise l’égalité entre tous les êtres humains et un monde dans lequel on puisse tous vivre de manière durable ? » Le trentenaire rentre au pays et prépare le lancement de Ça commence par moi.

Un pas après l’autre

« Au début, on a un peu peur de se noyer sous les informations, de devoir tellement réorienter son quotidien », se souvient t-il. Pendant qu’il fait bénévolement de la mise en rayons dans un supermarché coopératif, Julien pense à la façon d’améliorer la recette de son savon liquide fait maison, s’interroge sur le meilleur fournisseur d’électricité verte. « Une stratégie de petits pas. Je fais, j’avance et je m’améliore dans une quête infinie où l’imperfection est plus une opportunité qu’une menace », raconte, sobre et heureux, le citadin. « Chaque situation est un prétexte pour se poser de nouvelles questions, rencontrer de nouvelles personnes et découvrir de nouveaux projets inspirants. »

Ses petites victoires écocitoyennes, ses grands doutes sous le poids des moqueries, Julien les détaille, avec simplicité et honnêteté, dans son livre Ça commence par moi, aux éditions du Seuil. Parce qu’il s’est parfois senti seul, parce qu’il s’est souvent demandé quel était le meilleur chemin vers la transition qu’il rêvait, Julien veut rappeler à tout ceux dans la même situation que « nombre de nos victoires se jouent dans l’intimité de notre logement, dans la répétition de nos trajets, dans la solitude de notre consommation ».

« J’ai l’impression que c’est infini »

Aujourd’hui, un an après la fin de son défi, Julien continue d’emmagasiner par dizaines les gestes qui lui permettront encore d’améliorer son quotidien. « C’est grisant de voir à quel point il y a des gens inspirants partout. Énormément d’initiatives existent. Maintenant, je n’arrive plus à mesurer le moment où j’aurai fait le tour de ça, parce que j’ai l’impression que c’est infini », se réjouit-il.

Si toute l’humanité vivait comme un Français moyen, nous consommerions en un an les ressources de trois planètes Terre. Mais si chacun appliquait les 365 actions de Julien Vidal dans son quotidien, le jour du dépassement surviendrait le 31 mars de l’année suivante. Les petits pas pourraient, finalement, finir par compter.

Par Solène Peillard

À lire : Julien Vidal, Ça commence par moi, Seuil, 2018

À lire aussi : Des blogs pour un quotidien plus responsable

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