Bien-être

SA VA rend la mode éthique

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Sarah Van Aken, créatrice de SA VA

Sarah Van Aken, née à Philadelphie, a toujours rêvé de devenir créatrice de mode. Il faut dire que, chez elle, la plupart des vêtements étaient confectionnés en famille. Après des études d’arts appliqués et un début de carrière chez un grossiste, elle revient dans sa ville natale dans l’espoir de lancer sa propre ligne de vêtements. Wayne Zukin, un promoteur immobilier, croit en son idée et lui apporte le capital nécessaire à son lancement. En 2005, la maison de conception SA VA est née. C’est d’abord une ligne de tee-shirts pour hommes qui voit le jour, puis une collection d’uniformes pour restaurants de grands chefs. Quand il lui faut des fonds pour financer le développement de l’entreprise, Sarah reprend parallèlement la vente dans l’immobilier. Elle n’imagine alors pas que son prochain grand objectif sera de faire de SA VA une entreprise socialement et écologiquement soutenable.

Un réseau mondial d’économies locales

En 2008, elle analyse le cycle de vie de ses produits. Elle se dit alors que quelque chose doit changer. « Nous achetions nos tissus en Turquie pour les expédier au Bangladesh, d’où ils revenaient transformés aux États-Unis par avion – tout cela au nom de la mode. Absurde ! » Avec l’appui de la Philadelphia Industrial Development Corporation, elle rachète le matériel d’un atelier de confection et installe une boutique dans la vieille ville, créant 15 emplois locaux et réduisant de moitié l’empreinte carbone [1] de l’entreprise.

Bientôt, il lui faut arrêter la fabrication, non rentable à si petite échelle, et la sous-traiter à d’autres entreprises locales qui ont survécu aux vagues de délocalisation. « Nous payons des salaires décents, utilisons des matériaux durables et recyclés et travaillons en partenariat avec des organisations qui aident des femmes à retrouver leur place sur le marché du travail. » Les produits sont réalisés localement ou issus du commerce équitable.

Sarah ne préconise pas la démondialisation, certains produits comme les perles manufacturées ou la soie étant bien mieux faits ailleurs. Elle défendrait plutôt un réseau mondial d’économies locales produisant des vêtements de façon soutenable ; une économie d’échange équitable dans laquelle la contribution de chaque communauté locale à la production mondiale de vêtements serait définie par ce en quoi elle excelle. Ainsi, chaque région puiserait au meilleur de son patrimoine et continuerait à l’enrichir.

De la qualité pour tous

La qualité de sa démarche vaut à SA VA d’avoir obtenu la certification B Corporation [2] (label identifiant un nouveau type d’entreprises à finalité sociale et/ou écologique) et plusieurs distinctions, dont celle de « Jeune entrepreneur de l’année 2012 ». En outre, Sarah refuse de vendre ses vêtements plus cher qu’elle ne voudrait elle-même les acheter. Cela implique parfois de faire des choix et de renoncer à travailler des matières superbes mais trop onéreuses. « Nos clientes apprécient que nous soyons une entreprise locale bien insérée dans la communauté. Mais leur premier critère reste que nos vêtements soient à leur goût et qu’elles puissent se les offrir. »

Diriger une jeune entreprise en pleine croissance [3] dans un secteur concurrentiel n’est jamais simple. Il faut affronter la trésorerie et l’accès au capital. Le combat contre le courant dominant de la réduction des coûts – impliquant pollution, délocalisation et salaires de misère – rend ce pari éthique plus difficile encore.

Montrer la voie

Pourtant, Sarah est heureuse de conduire ce projet. Elle attribue une part de son succès au contexte local, notamment à l’appui de la municipalité de Philadelphie et de la communauté entrepreneuriale (dont le réseau SBN – Sustainable Business of greater Philadelphia) pour accompagner la transition de son entreprise vers la réalisation de sa mission sociale.

Pour les entrepreneurs, « Philly » (1,5 millions d’habitants) est un lieu exceptionnel, en particulier dans le secteur de la création. « Ici vous pouvez sortir de terre et grandir. Je ne sais pas si j’aurais pu le faire dans une ville plus grande. » La facilité, la qualité et la rapidité de mise en relation avec les autorités locales et avec des soutiens potentiels font de sa taille une force. Autre avantage : la facilité d’accès aux technologies de pointe, gage de pérennité. Cette petite structure vise d’abord une clientèle locale et régionale plus facile à fidéliser. Elle montre la voie en prouvant qu’une mode éthique est viable.

Une solution à la fois écologique et créatrice d’emplois

Pour renverser le cours des choses à grande échelle, il faudra cependant que les autorités obligent l’industrie textile – l’une des plus polluantes – à réintégrer dans ses prix les coûts sociaux et environnementaux générés par son activité. Sarah voudrait profiter de l’expansion de SA VA pour peser plus dans le débat en montrant qu’une solution à la fois écologique et créatrice d’emplois est possible sans délocaliser. Elle souhaite aussi mettre en place une organisation qui aiderait d’autres entrepreneurs du secteur à adopter une démarche vertueuse.

Son rêve ? « Parvenir un jour à sensibiliser une clientèle assez large à ces enjeux (ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui) pour que les consommateurs américains fassent pression sur l’industrie textile et obtiennent sa conversion à des pratiques vertueuses. Nous n’avons pas à choisir entre un environnement sain et une économie saine, conclut-elle en citant le président Obama. C’est un faux débat. Les petites entreprises soutenables comme la nôtre sont la preuve qu’il est possible d’obtenir les deux. »

Raphaël Souchier

www.savafashion.com

 


[1] L’empreinte carbone est la mesure du volume équivalent en carbone (CO2) émis par les entreprises ou les humains.

[2] Le label B Corporation distingue un nouveau type d’entreprises mettant la capacité d’action de l’entreprise au service d’une finalité qui n’est pas le profit financier mais la résolution de problèmes sociaux et/ou environnementaux. www.bcorporation.net

[3] Le chiffre d’affaire de SA VA était de 0,6 M$ en 2012. Sarah Van Aken espère atteindre le double cette année.

Le 14 mars 2013
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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