Bien-être et Zéro déchet

Lunettes écologiques, éthiques, durables : comment y voir clair ?



Porter des lunettes et respecter la planète, est-ce possible ? Matériaux, provenance, fabrication, recyclage… Difficile de trouver une paire de lunettes écologiques parmi l’offre pléthorique des fabricants. Enquête au pays d’un petit objet pas si anodin qu’il n’y paraît.

« On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux… », dit le renard au Petit Prince. Pourtant, plus de sept Français sur dix portent des lunettes, et trois adultes sur quatre les renouvellent au moins tous les trois ans. Selon une étude de GFK, 21 millions de montures ont été vendues dans l’Hexagone en 2019, dont 16 millions de paires de lunettes de vue et 5 millions de paires de lunettes de soleil. Soit un peu plus de 2 000 paires achetées chaque heure en France.

La majorité de ces lunettes sont en plastique (plastique injecté, acétate de cellulose ou Grilamid) ou constituées d’un mélange de métaux (titane, aluminium, acier inoxydable, cobalt, nickel) et, surtout, sont fabriquées en Asie, quoi qu’en disent certaines appellations « trompeuses » (made in France, fabrication française, label Origine France garantie…). Pourtant, des lunettes en bois local aux « écolo-opticiens » soucieux de l’environnement, en passant par l’achat de seconde main, des solutions existent pour trouver la paire de lunettes vertes de vos rêves.

Le bois, un matériau qui se démocratise

D’abord timidement présentes aux côtés de leurs consœurs en plastique et en métal sur les présentoirs des opticiens, les lunettes en bois ont depuis quelques années le vent en poupe. Il est alors important de vérifier si le bois est bien français et labellisé FSC (bois issu de forêts gérées durablement). Si certains fabricants profitent de l’engouement pour vendre des lunettes made in France seulement assemblées en réalité dans l’Hexagone, d’autres s’inscrivent réellement dans une démarche de développement durable.

C’est le cas de In’Bô, une entreprise vosgienne qui fabrique aussi des skateboards et des vélos en bambou. « L’idée est vraiment de concevoir nos lunettes de A à Z dans notre atelier situé à 10 minutes d’Épinal. Et, dès que l’on sous-traite quelque chose, on essaie de le faire en local. Nous utilisons de l’érable ; notre fournisseur est à 10 kilomètres de chez nous. Les finitions extérieures sont en platane, chêne, noyer… Ce ne sont que des essences vosgiennes ou françaises », détaille Aurèle Charlet, l’une des cinq ingénieurs bois qui ont lancé la marque en 2013.

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Pourquoi ne pas passer aux lunettes en bois ? La petite entreprise In’Bô, dans les Vosges, les fabrique à partir d’essences de bois locales.

Reste l’épineuse question des charnières, qui viennent essentiellement de Chine. La fondatrice s’en désole : « L’origine de ces charnières est un problème pour nous, mais même les “fabricants” européens font fabriquer en Asie… L’industrie a été délocalisée il y a une quinzaine d’années et donc il n’y a plus le savoir-faire en France. » Les paires sont vendues entre 250 et 300 euros en magasin.
Parmi les autres marques de lunettes en bois s’inscrivant dans une démarche durable, nous pouvons citer le collectif Shelter à Annecy, qui façonne ses montures à partir de bois mort notamment.

Pour y voir un peu plus clair sur la composition des montures, le label Optic for good garantit l’engagement de certaines marques, en vérifiant notamment les matières utilisées et leur origine.

Le « made in France » : pas forcément écolo

Les lunettes en bois ne sont pas les seules à pouvoir répondre à un enjeu écologique. À Bron, près de Lyon, un opticien, Sébastien Bétend, s’est spécialisé dans le développement durable. Après avoir créé une boutique presque entièrement éco-rénovée, « L’Optique par Sébastien Bétend » devenue Optiques nouvelles, ce pionnier des lunettes écoresponsables est devenu coach en « optique verte » et a créé sa propre marque de lunettes, OpSB en 2014. « Elles sont fabriquées en bio-acétate, un matériau 100 % recyclable et biodégradable à 80 % en cinq ans en terre. Les armatures métalliques des branches et la charnière de la branche sont fabriquées à moins de 150 kilomètres de Lyon. Seule la charnière de face est faite en Italie. Mes étuis sont tissés, imprimés et confectionnés en Rhône-Alpes. » Son credo : défendre les lunettes fabriquées en France et ne pas se satisfaire de lunettes Made in France.

Dans sa boutique, Sébastien Bétend a « boycotté sans compromis » pendant des années  les marques qui refusaient de signer la charte qu’il a élaborée pour garantir une fabrication française. Celle-ci impose aux fabricants que les branches et les faces des lunettes soient réalisées en France, ainsi que la conception, l’assemblage, la coloration et les finitions.

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À Bron, près de Lyon, son ancienne boutique entièrement éco-rénovée mettait un point d’honneur à ne vendre que des lunettes vraiment fabriquées en France. Son repreneur Julien Gouyon continue dans cette lignée.

Une manière de « distinguer les vrais des faux fabricants français ». Comprenez : ceux qui annoncent des lunettes faites en France, mais dont les montures sont en réalité fabriquées en Asie, puis simplement assemblées, voire colorées dans l’Hexagone. Car la loi est assez souple à ce sujet et il suffit que l’une de ces étapes soit réalisée en France et représente 45 % du prix de revient unitaire (PRU), pour pouvoir utiliser l’appellation « made in France ».

Il existe des labels, mais ces derniers n’empêchent pas d’externaliser une partie de sa production à l’étranger. Par exemple, le label Origine France garantie, déjà plus contraignant que l’étiquetage Made in France, peut s’appliquer aux produits dont 50 % au moins du prix de revient unitaire est acquis en France. À ce sujet, les opticiens eux-mêmes semblent peu informés : en 2016, à la question « Connaissez-vous les différences entre les divers marquages d’origine (made in France, fabrication française, label Origine France garantie) ? », seuls 40 % des opticiens interrogés par L’OL Mag ont répondu oui !

Pour Sébastien Bétand, il est « plus logique de créer de l’emploi local et ensuite de favoriser des lunettes respectueuses de l’environnement ». Car, dans ce secteur, il y a parfois des compromis à faire : « Des marques de lunettes vraiment écologiques, il n’y en aurait pas assez pour ouvrir un magasin et proposer du choix. »

Une solution : l’occasion

Une autre démarche est possible pour des lunettes écologiques et durables : l’occasion. Plusieurs opticiens se sont spécialisés dans ce domaine en France. Comme David Benhaim depuis 2012 dans son magasin L’Optique durable, rue Amelot, dans le 11e arrondissement de Paris. Ici, « tout est recyclé », de la meuleuse pour les verres au mobilier. « J’ai donné une seconde vie à tout le matériel que j’ai et aux lunettes », s’enthousiasme-t-il, avant de déplorer qu’« aujourd’hui, quasiment la totalité des lunettes sont faites en Chine ». Les deux mille montures qu’il propose proviennent de stocks d’invendus des années 1950 et 1960 d’usines du Jura. « Elles dormaient dans les caves, dans les placards… Elles n’ont donc jamais été portées. Je mets des verres Mont-Royal, une petite usine de l’est de la France. » Ici, le budget moyen pour une monture est de 150 euros, ce qui est en général le prix remboursé par les mutuelles.

Dans sa boutique du 11e arrondissement, David Benhaim propose plus de 2 000 modèles de montures « neuves d’occasion » issues de surstocks.

À quelques coups de pédale de là, dans le 10e arrondissement, Dan Alcabes, artisan opticien fondateur de Dingue de Lunettes, chine et restaure des lunettes de toutes les époques. « Au début, j’allais sur les brocantes, je voyais des vieilles lunettes, je les retapais et les offrais à ma famille… Puis j’ai eu l’idée d’en faire une boutique. » Le succès est au rendez-vous, mais pas pour les raisons qu’il croyait : « Là où je ne pensais rencontrer que des gens qui aimaient la mode vintage, j’ai finalement trouvé une clientèle qui adhérait à la démarche écologique, car cela leur permet de porter des lunettes qui ne sont pas fabriquées en Chine et de lutter contre la surconsommation. » Dans sa boutique se côtoient des montures entre 69 et 150 euros : « Elles sont plus neuves que neuves, car on polit tout à la main, alors qu’en usine, c’est poli en tonneau et ça n’a pas le même rendu. »

Quid de la fin de vie des lunettes ?

Selon une étude Opinionway réalisée pour Atol en 2015, cent millions de paires de lunettes dormiraient dans nos tiroirs en France ! Pour la Fondation Krys, ce sont dix millions de paires encore utilisables qui sont jetées tous les ans en Europe et aux États-Unis. Mais, si elles sont en bon état, les lunettes peuvent être rapportées chez n’importe quel opticien qui les redistribuera à des associations (Fondation Krys, Médico Lions Clubs…). Les verres, dont la fabrication est gourmande en eau (environ vingt litres d’eau), peuvent aussi être recyclés chez certains opticiens.

À Hirsingue, l’association Lunettes sans frontières, qui a fêté ses 40 ans en 2014, collecte par voie postale des lunettes pour les malvoyants démunis. Une trentaine de bénévoles s’affairent au siège pour trier les lunettes, qui sont d’abord lavées, puis mesurées afin d’être classées selon leur puissance. Elles sont ensuite envoyées, notamment en Afrique, vers des associations, des cliniques ou des dispensaires qui s’occupent d’équiper les bénéficiaires. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de paires de lunettes sont ainsi distribuées, dont cinq cents en France. Les associations ou les services sociaux peuvent solliciter l’association en lui envoyant une ordonnance.

Mais, en prenant soin de vos montures et en ne cédant pas aux sirènes de la mode, vous pouvez parfaitement les conserver en changeant seulement les verres en cas d’évolution de correction. Une solution pour bien voir avec le cœur… et avec les yeux !

Et les lentilles de contact ?

A priori, difficile de lier souci de l’environnement et lentilles de contact, car celles-ci sont faites de polymères, directement issus de l’industrie plastique. Si de nombreux fabricants sont Anglo-Saxons, quelques-uns sont Français, mais une bonne partie de la production se fait en Asie.

Sébastien Bétend, de Bron, met surtout en garde contre les « bonnes affaires » pour préserver la santé de vos yeux : « Pour avoir des prix, les opticiens sont tentés d’acheter de gros stocks aux fabricants. Or une lentille de contact est définie, outre sa puissance, par ses paramètres géométriques, c’est-à-dire son rayon de courbure et son diamètre. Il faut trouver la lentille qui correspond à tout chez la personne. Dans ma boutique, on cherche la lentille qui ne va pas mettre en péril l’œil, donc nous n’avons pas de stock et nous travaillons avec différents fournisseurs au cas par cas. »

Par Diane Routex

Mis à jour le 09/02/2022.

Le 11 janvier 2018
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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Marie-Charlotte J. le 14/01/2020 à 13:10

Bonjour ! Super article, merci beaucoup ! Mais qu'en est-il des verres ? Où sont-ils fabriqués ? Dans quels matériaux ? Sont-ils recyclables ? Merci d'avance pour vos lumières et belle journée !

Seb B. le 11/09/2018 à 12:22

Bonjour,
La nouvelle collection OpSB de lunettes écologiques et éthiques fabriquées en France est sortie.
Les modèles sont ici : https://www.opsb.fr/copie-de-lunettes-recyclables-fabri

Les opticiens revendeurs en France au nombre d'une centaine sont ici : https://www.opsb.fr/revendeurs-opsb

Si vous ne trouvez pas de revendeurs proches de chez vous, merci de nous contacter au 04.78.24.07.31 ou via "contact" sur le site www.opsb.fr

Seb B. le 14/01/2018 à 13:48

Beau et précis travail de recherche, encore BRAVO Diane !
Si je peux me permettre cependant, attention, le label Origine France Garantie (OFG), n'est pas, à ce jour, une appellation trompeuse comme on pourrait le comprendre : "...certaines appellations « trompeuses » (made in France, fabrication française, label Origine France garantie…). "
Le Made in France, peut-être très trompeur, oui je vous l'accorde.

Bonjour à tous !
Ma 2ème collection OpSB de lunettes écologiques fabriquées en France, en matériau 100% recyclable & biodégradable en 5 ans en terre (pas sur nez ^_^) - sortie en mars 2017 en 4 modèles dans 4 coloris et en série limitée (environ une centaine de modèles par coloris pour la France), est visible ici : https://www.opsb.fr/copie-de-images

Pour les essayer voire ces lunettes OpSB, locales, écolos et éthiques , voici le lien des 63 opticiens indépendants revendeurs à travers la France : https://www.opsb.fr/revendeurs-opsb
Si votre opticien indépendant ne les a pas encore, n'hésitez pas à nous recommander.

BIEN à vous tous, soyez heureux et en bonne santé !
Sébastien Bétend écolo-opticien près de Lyon, créateur des OpSB.

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